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Cet article a été réalisé par la deshi Tamaki de l'Atelier DoNoEko en collaboration avec Tohibiki.
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J’ai récemment découvert par le biais de Shakki et Tohibiki sensei, le travail de Eikoh Hosoe; photographe japonais qui a su invoquer la mythologie, la métaphore et le symbolisme afin de composer des images capables de briser les limites de la photographie traditionnelle. Eikoh Hosoe a ainsi développé un style unique en combinant des éléments du théâtre rituel, de la danse, du cinéma et de l'art japonais traditionnel. Explorateur aguerri il ne cessera d'interroger la sexualité, l'anthropomorphisme, le mouvement et l'énergie; la matière et l'inertie,...le passage du temps.
L’oeuvre la plus récente d’Eikoh Hosoe est intitulée “Ukiyo-e Projections“:
Ce monument de lumières et de peau sera érigé sur scène au célèbre "Asbestos Studio" ( Asubesuto-kan アスベスト館) soit la Maison de l’Amiante, fondée par Tatsumi Hijikata et sa femme Akiko Motofuji, à Tokyo. Une série de sessions photographiques ont été exécutées en collaboration avec des danseurs de Butō. Ces derniers auront coordonné leurs mouvements en accord avec les peintures et estampes japonaises du 18ème siècle sélectionnées. Elles-mêmes projetées par un rétroprojecteur à diapositives sur les corps nus et peints en blanc des performeurs.
Cette thématique m’a évoqué un lien immédiat avec l’Irezumi - deux siècles auparavant une partie non négligeable de la population japonaise portait des Horimono ( tatouage traditionnel japonais ). Deux types de projections sur peau, l'une faite de lumière, l'autre de sang et d'encre.
Les estampes prenaient vie sous la peau de la même façon que ces scènes de Butō et de lumière Ukiyo-e .
La peau devient pour Tatsumi Hijikata une conscience primaire de sa spatialité, toujours mise en avant, il s'appliquera du plâtre blanc afin de provoquer des sensations cutanées douloureuses, parfois des convulsions. Cette peau qui ne respire pas lui inspire de nouveaux mouvements.
L’idée de Eikoh Hosoe qui consiste à utiliser le Shunga ( estampe, art érotique ) des artistes d’Ukiyo-e tels que Utamaro, Hokusai et d’autres dans ses projections, découle de sa conviction que l’extase primate de Tatsumi Hijikata trouvaitt ses racines dans ce genre d’art particulier de l’epoque Edo (1603-1868).
On pourrait interpréter sa gestuelle aveugle et ses mimiques d'initié comme brutalement arrachées à une estampe puis jetées sans plus de soin sur scène.
L' Asubesuto-kan était connu comme étant un centre intellectuel de premier ordre et ce depuis plus de quarante ans. Cette exposition fut l’hommage personnel de Eikoh Hosoe à cette Institution culturelle expérimentale qui aura définitivement fermé ses portes en 2003.
Le résultat de ce théâtre photographique est stupéfiant créant une véritable tapisserie multidimensionnelle de couleurs et de formes érotiques flottant et fluctuant dans une noirceur absolue. Eikoh Hosoe a ainsi su créer une jonction entre le Butō et l’Ukiyo-e en réalisant un univers subtil possédant au moins quatre dimensions; transcendant l’espace et le temps à mesure que les images en deux dimensions sont projetées sur les corps devenus perspectives. Anamorphose de chair et de lumière; dont l'image restituée au bon sens de la raison révélerait l'obscure géométrie de l'univers lui-même.
L’intérêt de Eikoh Hosoe pour la performance révolutionnaire du Butō est née en 1959 à travers sa rencontre avec l’un de ses fondateurs cité ci-dessus, Tatsumi Hijikata. Ensemble, ils ont collaboré sur plusieurs séries, y compris Kamaitachi le légendaire Yokai belette qui aurait hanté les rizières de la région de Tohoku; reconnu comme la plus belle illustration du style photographique hybride de Eikoh Hosoe.
Conquis par le spectacle de Tatsumi Hijikata, soit l' adaptation d’un roman de Mishima jugé scandaleux car abordant des thèmes comme l’érotisme et l’homosexualité, Eikoh Hosoe le convint de travailler avec lui pour son film, "Navel and Atomic Bomb".
Combinant performance et documentaire, de l’esthétique qui incarne les principes fondateurs de l’Ankoku Butō ou la "Danse de Ténèbres” ressort une énergie dramatique et intense, générée par Tatsumi Hijikata. C’est en 1966, lors du voyage dans sa ville natale à Tohoku que Tatsumi Hijikata nomme le corps qui danse le Butō, "corps mort" ou "cadavre qui danse". Cette série incarne son approche unique dans la synthèse de la photographie avec diverses formes d’arts visuels et de performance.
À mon sens le Butō est Sabi, le corps représente la potentialité d'une harmonie remise en constante question par le mouvement et l’environnement: éloge de sa propre condition d'ombre portée, écrin de son déclin. Aucun langage pour traduire, car le Réel n’est pas la réalité. Mais le mouvement seul ne devient pas Danse. Stagner, être totalement immobile comme un minéral c’est être la Danse aussi. Ces Maîtres m'amènent à penser que le rejet de notre masque social, l'Archétype de l'Anima dirait Carl Gustav Jung, pourrait probablement changer le Monde en spectacle Butō.
A moins que ce ne soit déjà le cas.
Pour mieux comprendre la possibilité du mouvement dans un corps sans cerveau, Hijikata trouve son inspiration en observant un gallinacé sans tête qui continue de courir pendant quelques secondes. Il étudie les caractéristiques propres au corps japonais, la peinture et la littératures occidentales pour construire un corps qui ne cherche pas à s’étendre vers l’extérieur mais qui vit intensément ce qui le divise entre ses deux polarités.
PROJECTIONS
J'offre humblement ce morceau d'écriture.
Sans savoir
De tout temps nous étions unis
Et que cette merveille reste merveilleuse
Ce jeune enfant, ce garçon
Réunis par une attraction mutuelle
Le ciel accorde le moment
Ne regrettez pas d’avoir pris cette photo.
Pour un clin d'œil au fil du temps
Nos deux voix, un coup de tonnerre
Chantons la joie de vivre
Soyons respectueux de la joie de vivre.
Humblement à vous
Eikoh Hosoe